La démarche

HUSAÏS, SAINT-QUENTIN EN YVELINES - 1992

Depuis le duo de leur rencontre, Husaïs (1990), Héla Fattoumi et Éric Lamoureux, devenus ensemble chorégraphes, s’attachent à assigner à leur danse partagée le dessein d’interroger la relation.
« Nous tentons de faire partager les obsessions qui nous habitent depuis le début de notre travail : qu’est-ce qui se joue entre les êtres ? Quelle présence à l’autre ? » (Danser l’entre l’autre, Christine Roquet, Fonds Séguier).

« Notre danse ne recourt pas au concept. Elle s’ancre dans l’observation du corps dansant. À l’affût de celui-ci, nous traquons les images où il s’incarne. Les instants où il laisse échapper au dehors les indices parfois très ténus qui contiennent une charge émotive, un pouvoir de correspondance, d’association, de transposition, de relation, de création de sens. (…) Nous nous donnons ainsi la chance de faire naître un langage original émanant du corps et qui plonge la danse dans certaines zones intérieures qui affleurent l’inconscient. En ce lieu mystérieux, nous aimons parler de la notion d’expérience sensible de la réalité : étape antérieure à la dissociation de la sensation et de la pensée, étape d’unité qui concerne l’être dans son entité et qui réfute toute dualité. La danse que nous faisons surgir est sous-tendue par cette dimension. Elle n’est pas réaliste. Notre danse tente de capter la réalité en repoussant ses ultimes limites » (Instincts de danse, Christophe Wavelet et Natacha de Pontcharra, extrait de la Préface de Héla Fattoumi et Éric Lamoureux).

« Entre Héla et moi-même, ce n’est jamais de fusion qu’il a été question. Il s’est agi au contraire de reconduire, au gré de nos expériences communes, le mouvement d’une confrontation : celle de nos singularités respectives. Notre danse est précisément le fruit de ce dialogue constant, de ce tramage soutenu au fil des ans » (Instincts de danse, Christophe Wavelet et Natacha de Pontcharra, extrait de l’entretien de Christophe Wavelet avec Héla Fattoumi et Éric Lamoureux).

C’est toujours dans un entre-deux, peu confortable il est vrai, qu’aiment à se situer Héla Fattoumi et Éric Lamoureux. Au cœur même de leur pratique, dans l’atelier d’improvisation, les chorégraphes tentent souvent de tisser du lien entre ce qui s’oppose a priori ; ainsi demandent-ils parfois aux danseurs d’arrêter le mouvement mais sans le figer, d’être détendus mais toniques à la fois, de ne pas ignorer l’autre mais sans aller chercher la relation… En cherchant à « travailler à la lisière » (Wavelet, 1999 : 24), à fuir l’inscription d’une identité stable, fût-elle double, les chorégraphes proposent alors au spectateur d’occuper la « position du guetteur » (ibid. : 25). Perceptions à l’affût, celui-ci devient attentif à ce qui se joue, à ce qui se danse sur scène. Et être attentif devant des corps qui bougent, c’est non seulement voir, mais aussi entendre ou sentir, voir avec ses oreilles et ses centres d’équilibre, avec la tension de ses muscles (Christine Roquet, in Corps 2009/2 (n°7), pages 45 à 50).